Une journaliste algérienne en grève de la faim pour dénoncer l'arbitraire des pouvoirs public et sauver son journal
Ghania Khelifi / الجزائر
Ghania Khelifi / الجزائر
En déclarant qu'elle était prête à tous les sacrifices pour sauver son journal, Hadda Hazem directrice du journal arabophone Al Fadjr et seule algérienne patronne d'un quotidien, est en grève de la faim depuis le 13 novembre.
« La bataille des boyaux vides »
En déclarant qu'elle était prête à tous les sacrifices pour sauver son journal, Hadda Hazem directrice du journal arabophone Al Fadjr et seule algérienne patronne d'un quotidien, est en grève de la faim depuis le 13 novembre. Elle avait annoncé sa décision depuis quelques jours précisant qu'elle était poussée à cette extrémité pour protester contre « la hogra » (injustice) dont est l'objet son journal par les autorités algériennes. Hadda Hazem a écrit sur sa page facebook qu'elle est « punie » par le régime pour ses prises de position politiques dans son billet quotidien et surtout dans des médias étrangers.
Son intervention le 9 août 2017 sur un plateau de la télévision France24 où elle critiquait le clan présidentiel et dénonçait le 4ème mandat du président Bouteflika lui a valu d'être exclue de la publicité institutionnelle distillée aux médias algériens au prorata de leur docilité. La manne publicitaire détenue par une entreprise publique est l'arme privilégiée du pouvoir algérien pour récompenser ou punir les médias. Les grands annonceurs privés étant eux mêmes soumis au bon vouloir du clan présidentiel pour leur activité, tomber en disgrâce du pouvoir entraîne toujours celle des entreprises privées.
Hadda Hazem n'a jamais réussi à se taire et à brosser dans le sens du poil. Dieu sait qu'elle a essayé parfois, sinon de se taire, au moins de ne pas parler quand d'autres titres s'empressaient d’étaler leur allégeance et prêtaient leur plume à l’éloge du régime. Elle révèle elle-même dans des interviews qu'elle a contacté des personnalités du sérail pour plaider sa cause, en vain.
Être femme est certainement une circonstance aggravante dans un pays où le patriarcat ne tolère aucune voix féminine libre. Hadda Hazem est une « fille du peuple » au sens où comme on dit en Algérie elle n'a pas « les épaules larges et pas de général derrière elle » et elle l'avait rappelé « je sais faire la galette (pain traditionnel) » pour signifier qu'elle était prête à tous les sacrifices pour sauver son journal et qu'elle pouvait se contenter de ne «manger que de la galette».
Hadda croit en la liberté de pensée et d'expression, elle a toujours refusé de prendre les chemins de la complaisance et de la corruption pour faire vivre son journal alors que de petits titres à des tirages limités profitent de la publicité institutionnelle et de la complaisance des imprimeurs publics à l’égard de leurs ardoises de dettes. Mais la réalité économique l'a rattrapée : dettes, salaires impayés et factures en souffrance. Elle ne se fait pas non plus beaucoup d'illusion sur l'issue de son combat, comme elle l’écrit sur sa page le pouvoir peut museler des médias mais il ne pourra « jamais étouffer ma voix et briser ma plume ».
Hadda, le combat de David contre Goliath ? Sans aucun doute. Seuls la solidarité agissante de ses confrères et le soutien des organisations de défense de la liberté de presse pourraient peut être faire la différence. Le Pouvoir n'est pas à sa première attaque contre les libertés fondamentales des Algériens mais il n'a pas, malgré tout, intérêt à aggraver son image à l’intérieur et à l'extérieur du pays ; les élections présidentielles se profilent à l'horizon et cette énième mascarade électorale aura besoin d'un climat apaisé. Hadda qui est mère met sa santé en danger, comme l'a mise en garde son médecin, parce qu'elle n'a pas d'autre recours et parce qu'elle ne veut être rien d'autre qu'un journaliste. Elle mérite notre soutien et notre solidarité.
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